Interrogé sur la vaccination COVID des femmes enceintes sur BFMTV le 2 février, le Ministre de la Santé, Olivier Véran a déclaré qu’en contractant la COVID-19. : “Il y a 20 fois plus de risques d’avoir un enfant prématuré quand on est une femme non vaccinée” . Il ajoute également : “Il y a 3 à 5 fois plus de risques de mort fœtale in-utero lorsqu’on est une femme non vaccinée” .
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Des internautes nous ont demandé sur Twitter de vérifier ces affirmations.
Problème de temporalité
Interrogé sur quelle source s’était appuyé Olivier Véran pour affirmer qu’il y avait “20 fois plus de risques d’avoir un enfant prématuré quand on est une femme non vaccinée“, le cabinet du Ministre répond que ce dernier s’est basé sur une étude américaine publiée dans le Jama Network. L’étude en question porte sur 869 079 femmes adultes, dont 18 715 femmes atteintes de COVID-19, qui ont accouché dans 499 centres médicaux américains entre le 1er mars 2020 et le 28 février 2021.

Effectivement, sur une période spécifique de gestation (de 32 à 36 semaines), un ratio de 22 apparait. De plus, les auteurs de l’étude déclarent dans leurs résultats que les femmes atteintes de COVID-19, par rapport aux femmes sans COVID-19, étaient plus susceptibles d’avoir un accouchement prématuré de moins de 37 semaines. Ce qui tend à confirmer les propos d’Olivier Véran.
Néanmoins, l’étude a démarré le 1er mars 2020 pour finir le 28 février 2021. Ce qui exclu d’une part les données relatives aux femmes enceintes et vaccinées (la vaccination n’a démarré qu’en décembre 2020) et d’autre part, l’exposition aux variants apparus plus tard comme le Delta ou Omicron. Même si, de fait, aucune femme de l’étude n’était vaccinée le ratio de 1 pour 20 dont parle Olivier Véran est-il encore valable aujourd’hui ?
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Des études comparatives plus récentes entre femmes enceintes vaccinées et non vaccinées confirment les risques de complications plus élevés chez les femmes non vaccinées.
Risques accrus de complications chez les femmes enceintes non vaccinées
Une étude parue dans Nature Medicine le 13 janvier 2022 révèle que des complications graves chez les femmes enceintes non vaccinées étaient plus fréquentes que chez celles qui avaient été vaccinées. Réalisée en Ecosse, l’étude a comptabilisé 4950 infections confirmées chez les femmes enceintes à partir du 1er décembre 2020. Des «complications graves» plus fréquentes chez les personnes non vaccinées ont été constatées, telles que des admissions en soins intensifs, des bébés mort-nés et des décès néonatals précoces.
Sur les 4950 infections confirmées pendant la grossesse, 823 (17 %) étaient associées à une hospitalisation et 104 (2 %) à une admission en soins intensifs. En termes de statut vaccinal, plus des trois quarts des infections pendant la grossesse (77 %) sont survenues chez des femmes non vaccinées à la date de début de l’infection comme le relate cet article du British Medical Journal qui a fait le point sur le sujet.

Une autre étude financée par le NIH, qui comprenait près de 2 400 femmes enceintes infectées par le SRAS-CoV-2, a révélé que celles atteintes d’une infection modérée à sévère étaient plus susceptibles d’avoir une césarienne, d’accoucher avant terme, de mourir au moment de l’accouchement ou de souffrir de graves maladie due à des troubles hypertensifs de la grossesse, à une hémorragie post-partum ou à une infection autre que le SRAS-CoV-2. Elles étaient également plus susceptibles de perdre la grossesse ou de voir un enfant mourir pendant la période néonatale.
Quid des effets secondaires
Aujourd’hui, environ 30% des femmes enceintes ne sont pas vaccinées. Beaucoup s’interrogent sur les effets secondaires. En septembre 2021, la rédaction a publié un article de fact-checking sur le fait que les vaccins augmenteraient le risque d’avortement spontané. Ce qui était bien évidemment faux.
Les avortements spontanés représentent en moyenne 15% des grossesses comme le révèle cette étude du Lancet en mai 2021. (A ne pas confondre avec les IVG)
En France, il y a en moyenne 61600 naissances par mois (sur la base de 740.000 naissances en 2020 – résultats provisoires en novembre 2020). Sans les 15%, cela représenterait 70840 naissances par mois, soit approximativement à 9240 interruptions de grossesse (naturelle/accidentelle) par mois en moyenne pour 2020 (70840-61600)(1).
Or, 213 cas d’interruptions de grossesse ont été rapportées dans la Base Nationale de Pharmacovigilance (BNPV) depuis le début de la vaccination des femmes enceintes. En sachant que 70% des femmes enceintes sont vaccinées, les complications associées à la grossesse ne peuvent être imputées à la vaccination comme le rappelle l’ANSM dans son dernier rapport :
En conclusion, les données de la littérature et du suivi de pharmacovigilance ne mettent pas en évidence, à ce jour, un risque de la vaccination contre la Covid-19 chez la femme enceinte et allaitante. Par ailleurs, il faut souligner que les données actuelles de la littérature internationale mettent en évidence, de manière concordante, que l’infection maternelle au SARS-CoV-2 augmenterait le risque de complications fœtales, maternelles, et néonatales, et que ce risque pourrait être majoré par l’arrivée des variants Alpha et Delta. Il parait donc important de rappeler les recommandations actuelles de vacciner toutes les femmes enceintes quel que soit le stade de grossesse.
A ce jour, aucune donnée n’est disponible pour le variant Omicron.
Fact-Check
Affirmation 1 : Il y a 20 fois plus de risques d’avoir un enfant prématuré quand on est une femme non vaccinée.
Verdict 1 : Partiellement vrai. Bien que l’étude en question montre un ratio de 22, elle ne porte pas sur le variant Delta ou Omicron. Toutefois, des études plus récentes démontrent bien un risque accru de complications pour les femmes enceintes non vaccinées.
Affirmation 2 : Il y a 3 à 5 fois plus de risques de mort fœtale in-utero lorsqu’on est une femme non vaccinée.
Verdict 2 : Vrai. La littérature scientifique évoque des morts fœtales in-utero plus fréquentes chez les femmes enceintes non vaccinées et ce, dans des proportions similaires.
(1)Cette méthode de calcul, non éprouvée, permet de se faire une idée sur le nombre approximatif d’interruptions de grossesse en France (hors IVG). Ici, les interruptions de grossesse comprennent les fausses couches, les morts in-utéro et les grossesses extra utérine.
Article mis à jour le 23.02.2022 à 10h05 : correction d’une faute dans l’illustration
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