Diffusée tous les dimanches matin sur C8, l’émission “Le mag qui fait du bien” présentée par Karine Arsène, propose aux téléspectateurs “52 minutes de conseils, d’encouragements et de témoignages afin d’aider à trouver les clés du bonheur. Spiritualité, science et expériences alternatives seront au rendez-vous“. C’est en tout cas ainsi qu’est présenté le concept sur le site de Canal Plus.
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Dimanche 5 juin, le chroniqueur Kevin Finel s’est exprimé au sujet de l’arthrose et des douleurs chroniques qu’elle engendre. Il a notamment déclaré : “on ne peut pas faire grand chose au niveau médical” avant de poursuivre sur les capacités de l’hypnose à traiter la douleur.
Après une rapide recherche, il est possible de comprendre pourquoi Kevin Finel avait tout intérêt à parler de l’autohypnose* sur un plateau qui n’a opposé aucune contradiction. (*L’autohypnose est l’hypnose appliquée à soi-même).
Dream Machine
Directeur de l’ARCHE (Académie de Recherche et de Connaissances en Hypnose Ericksonienne), Kevin Finel est également le co-gérant de la société DREAM MACHINE TECHNOLOGY. Sa société commercialise la “Dream Machine“, un dispositif qui, selon le fabriquant, “permet d’accompagner facilement votre esprit vers des états altérés de conscience variés, qui iront de simples états de détente ou de méditations profondes à des expériences psychédéliques dignes de rituels chamaniques...”. En somme, des ampoules qui clignotent vendues 440€ après une campagne de financement participatif qui a permis de collecter plus de 338.000€ (Archive).


En bas de page du site, nous notons la présence du logo de l’INREES (Institut de recherche sur les expériences extraordinaires). Institut lié à Natacha Calestrémé, spécialiste controversée des sciences occultes comme nous l’avons révélé dans cet article.
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Nous avons contacté Kevin Finel pour lui demander si ses déclarations sur C8 avaient un lien avec le produit qu’il commercialise. Il nous répond : “La Dream machine n’a aucune action thérapeutique, elle ne propose pas de réduire la douleur : il n’y a ici aucun lien. L’objet de la Dream Machine est l’exploration des états de conscience, elle permet par exemple de vivre des états méditatifs ou créatifs. A l’origine le procédé était utilisé par des artistes pour l’inspiration“.
Bien que le nom du produit ne soit jamais cité dans l’émission, le terme d’hypnose apparait bien sur le site dans les expériences proposées.

Lors de la présentation de la Dream Machine à la foire de Paris en 2022, son co-créateur Brice Battung, la présentait également comme un “appareil à hypnose” au micro d’ActuMag.fr :
Boost des ventes Amazon
Auteur du livre “Explorez les capacités de votre cerveau avec l’autohypnose: 45 expériences pour le quotidien” aux éditions Leduc, Kevin Finel a vu ses ventes passer en numéro 1 du classement Amazon le jour de la diffusion de l’émission.


En avril 2022, une internaute s’interrogeait déjà sur les pratiques commerciales de Kevin Finel et de son rôle de chroniqueur sur C8.
Hypnose, arthrose et douleurs
Quant à ses propos sur l’arthrose, Kevin Finel nous déclare : “Ce que je disais dans cette émission c’est qu’on peut atténuer la douleur avec l’hypnose. L’hypnose permet de moduler les paramètres de la subjectivité. J’ai pris l’exemple de l’arthrose à titre d’illustration : de nombreuses personnes vivent avec ces douleurs et prennent des anti douleurs qui ne vont pas traiter la cause, mais juste atténuer la sensation douloureuse. Cela pose entre autre des problèmes d’addiction à ces antidouleurs et l’hypnose peut être un bonne alternative : de nombreux médecins apprennent l’auto hypnose à leurs patients pour les aider en ce sens” .
L’INSERM a publié en 2017 un article sur l’arthrose expliquant que la recherche a permis de découvrir de nouvelles cibles thérapeutiques qui conduisent au développement de traitements ciblés visant à enrayer la progression de la maladie. L’institut souligne que certains traitements sont en cours d’évaluation. L’hypnose n’en fait pas partie.
Sur son site, la Société Française de Rhumatologie explique : “La prise en charge de l’arthrose comporte la prévention et le traitement de la douleur. La douleur arthrosique se traite par des médicaments antalgiques, la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) par voie orale ou locale, ou par des injections intra-articulaires de corticoïdes ou d’acide hyaluronique hors contre-indication individuelle. On peut également proposer des attelles de repos pour immobiliser l’articulation pendant la période douloureuse. La prévention de l’apparition et l’aggravation de l’arthrose repose sur une kinésithérapie et une activité physique régulière, adaptée pour maintenir la force des muscles. Le traitement de l’arthrose nécessite également une prise en charge, individualisée en fonction du site de l’articulation touchée. Il faut éviter le surpoids et prendre en charge les autres facteurs de risque” . L’hypnose n’est mentionnée nul part dans les traitements symptomatiques. Même son de cloche dans le VIDAL.
Dans un rapport de 2018, l’académie de médecine dresse une liste exhaustive de recommandations pour la prise en charge de patients atteints de douleurs chroniques. Selon l’académie, près de 20 millions de français (environ 30 % de la population adulte) souffrent de douleurs chroniques rebelles aux traitements antalgiques conventionnels. A aucun moment, l’hypnose est recommandée dans le traitement de la douleur.
Les limites de l’hypnose
D’après l’Institut Curie, l’hypnosédation consiste à associer l’hypnose à de faibles doses de sédatifs ou à une anesthésie locale. Elle est utilisée comme une alternative à l’anesthésie générale lors de certaines interventions, notamment dans la chirurgie du sein. Toujours selon l’institut, l’hypnose permettrait de diminuer les douleurs post-opératoires et de réduire la consommation d’antalgiques.
Dans une étude publiée par l’université de Stanford, des chercheurs ont démontré des changements neuronaux chez des patients hypnotisés. Mais ils soulignent qu’environ 10% seulement de la population serait “hautement hypnotisable” . Sur 545 patients, seuls 36 ont obtenu des scores élevés aux tests “d’hypnotisabilité“. Enfin, les auteurs de l’étude concluent que des recherches supplémentaires sont nécessaires avant qu’une telle thérapie puisse être mise en œuvre.
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