Une tribune publiée fin août dans France Soir, ex-journal de référence devenu aujourd’hui un blog relais des théories Qanon et de désinformation médicale, appelant à juger et exécuter des médecins et citoyens lambdas, nommés dans le texte, a fait grand bruit dernièrement. Une tribune anonyme, publiée par un certain « médecin résistant », se terminait en effet ainsi : « Un procès devra se tenir. La Veuve s’impatiente ».
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Les personnes incriminées sont accusées d’avoir provoqué des décès et la ruine de la France en refusant le traitement « Didier Raoult », hydroxychloroquine et Azithromycine, ainsi que l’Ivermectine. L’hydroxychloroquine n’a pas fait ses preuves, et a été abandonnée presque partout dans le monde. L’Ivermectine non plus, et des études montrant son efficacité ont été retractées pour fraude.
La rédaction, sans doute effrayée par la polémique, a tout d’abord modifié le texte en supprimant la majuscule à « Veuve » (surnom de la guillotine) et en ajoutant un texte visant à donner une autre explication à l’emploi de ce terme.
Finalement, dans un édito du 1er septembre, Xavier Azalbert, directeur de la publication de France Soir, a admis qu’il s’agissait bien d’une référence à la guillotine, et que l’ajout de l’explication visait simplement à « dépassionner le débat ».
Bien évidemment, France Soir nie tout appel à la violence.
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Violence verbale et appel à justice d’exception
Ce n’est pourtant pas la première fois que France Soir fait des références à la terreur et légitime des menaces de mort.
Dans une tribune intitulée : « Après la Révolution : le procès d’ « Ubu » Macron, un des auteurs de France soir imagine un Macron arrêté et jugé, ainsi que députés, sénateurs et membres du Conseil Scientifique. Pas de peine de mort, seulement la « prison perpétuelle » dans un « cachot étroit ». Le texte imagine un « Gouvernement de Salut Public » suite au renversement de Macron. Les « menaces de mort contre l’homme le plus détesté de France, les images de guillotines, de pelotons d’exécution, d’écartèlement ou encore de bûcher », accompagnés de « messages personnels parfaitement explicites » sont qualifiées « d’utiles exutoires, aisément compréhensibles au regard de l’ampleur des crimes ».
Il y a dans cette tribune bien évidemment accusation de « crime de masse » pour ne pas avoir employé les « traitements Raoult », et justification à révolution, violence, menaces de mort etc…
Tout comme dans la tribune « Guillotine », les médecins qui ont refusé de prescrire le « traitement Raoult » sont diabolisés, accusés de corruption et d’être des meurtriers : « Avec la complicité de médecins notoirement stipendiés par les grandes firmes pharmaceutiques, […] criblés de conflits d’intérêts […], vous avez combattu […] par la menace et la sanction les traitements efficaces et bon marché […]. Vous avez provoqué des dizaines de milliers de morts. »
Les « traitements qui sauvent »
Le mensonge sur le « traitement qui sauve » est la clé de voûte des appels à destitution et à une justice d’exception, et France Soir a publié de nombreuses tribunes enflammées se basant dessus, sans jamais mettre en avant les doutes (a minima) sur l’absence d’efficacité – voir la nocivité – de ces traitements.
Dans une tribune publiée le 5 novembre 2020, appelée « le J’accuse de la Toussaint », c’est le premier argument mis en avant : « la tête de la pieuvre, c’est la négation du traitement du coronavirus », et parle de « massacre épidémique », ainsi que de « guerre à mort ».

Dans une « tribune » du 23 décembre 2020, plaidoyer sur l’Ivermectine (et se basant pour bonne partie sur des études aujourd’hui rétractées car frauduleuses (rétraction de l’étude Elgazzar, Carvallo pour le moment retirée des serveurs et en cours d’analyse), le « Collectif Citoyen » de France Soir accuse un travail de fact-checking sur l’Ivermectine publié dans 20 minutes, pour lequel sont interrogés le Pr Costagliola et Molimard, de « sabotage et désinformation irresponsable », qui causera « plusieurs milliers de morts évitables ». L’article se termine bien évidemment par des accusations de corruption pour expliquer pour l’Ivermectine n’est pas recommandée.
C’est bien évidemment aussi un des arguments de l’appel à destitution de Francis Lalanne, publié dans France Soir le 24 janvier 2021.
Une autre tribune, parue le 23 février 2021, et intitulée « le dégout et le mépris », accuse encore une fois les médecins : « Les médecins et les scientifiques qui auront activement collaboré à ce « coronacircus » […] devraient idéalement terminer leurs jours à l’écart en isolement complet pour éviter toute contagion préjudiciable ultérieure ».
On voit donc ici que les mensonges sur les « traitements qui sauvent » servent régulièrement à appeler à la destitution du président Macron, et qu’afin de soutenir ce mensonge, les médecins sont diabolisés, présentés comme des corrompus n’hésitant pas à laisser mourir des dizaines de milliers de personnes.
Le mensonge sur l’efficacité de l’hydroxychloroquine, ainsi que les accusations de conflits d’intérêt, proviennent initialement de Didier Raoult, via ses vidéo hebdomadaires sur la chaîne Youtube de l’IHU Méditerranée-Infection. Le Pr Didier a jeté le discrédit sur toute personne s’opposant à l’utilisation de l’hydroxychloroquine pour le traitement du covid en montant un narratif disant que c’était forcément à cause de conflits d’intérêts. Les médecins « opposants » devenant par là-même des meurtriers par refus de soin.
La présomption de corruption, prémisse à une paranoïa généralisée
Cette accusation diffamatoire lourde a mené à une paranoïa généralisée : « ils » veulent nous enfermer, « ils » veulent nous tuer. On le voit bien dans les extraits précédents. Une tribune intitulée « Florilège de points Godwin lors de la crise sanitaire », publiée le 7 mars 2021, ayant pour but de regarder si les comparaisons avec la période nazie sont justifiées, parle même de génocide contre « ceux qui ne défendent pas le système de santé tel que conçu par messieurs Véran et Macron ».
Dans cette tribune est évidemment rabâché le mensonge des « traitements qui soignent », pierre angulaire du « complot » visant à enfermer les français (associé à une accusation par l’ANSM de cacher les effets secondaires du vaccin).
On peut donc voir que très régulièrement, France Soir publie des tribunes expliquant à ses lecteurs qu’il y a un complot pour ne pas soigner et enfermer les français, et que les coupables sont le gouvernement, les médecins opposés à Raoult – qui sont forcément corrompus – et ceux qui les soutiennent. Et qu’ils sont aussi barbares que les nazis.
Ces comparaisons avec des figures historiques monstrueuses, nous pouvons les retrouver sur un compte d’un membre de l’IHU : Eric Chabrière, surnommé « le bras armé de l’IHU sur Twitter » par certains de ses « fans ».
Les opposants à Didier Raoult, comparés aux pires despotes
Les liens entre l’IHU et France Soir ne sont pas nouveaux : vidéo de Didier Raoult censurée par Twitter hébergée chez France Soir, invitation de Xavier Azalbert à faire une présentation sur les conflits d’intérêts à l’IHU, retweets d’article de France Soir par Eric Chabrière (membre de l’IHU) et Didier Raoult (notamment celui avec l’appel à la guillotine). D’après une vidéo aujourd’hui effacée, certains membres de l’IHU écriraient anonymement même pour France Soir.
Un membre de l’IHU a l’habitude de comparer au sens littéral médecins et politiques aux pires assassins et dictateurs sanglants : il s’agit d’Eric Chabrière, membre de l’IHU, qui s’est illustré par de nombreux tweets aux comparaisons violentes :
- Le Dr Damien Barraud, médecin réanimateur qui a violemment critiqué (et insulté) Didier Raoult, est comparé à Francis Heaulmes.
- Le ministre Olivier Véran a été comparé à Pol Pot
- Le Dr Nathan Peiffer-Smajda, comparé à Rudol Hoess, commandant du camp d’extermination d’Auschwitz. Nathan Peiffer-Smajda est co-auteur d’une méta-analyse démontrant l’inefficacité de l’hydroxychloroquine, ce qui lui a valu ces insultes et menaces.
D’autres ont été dépeints en colonisateurs, se font régulièrement traiter de collabo…la rhétorique concernant la seconde guerre mondiale est très présente.
Eric Chabrière aime dépeindre les opposants à Didier Raoult comme les pires ordures, n’hésitant pas à les comparer à ce qui se fait de pire dans l’humanité. Dans les commentaires, les followers se déchaînent. Et la haine ne reste pas sur twitter : ainsi, plusieurs « victimes désignées » ont reçu des insultes et menaces de mort sur leur lieu de travail.
Eric Chabrière aime donc diaboliser les opposants à Didier Raoult. Mais il n’en reste pas là. Ainsi, il n’a pas hésité à publier des détails permettant à ses « followers » de retrouver ses « opposants » :
Retweet d’un article donnant des informations privées sur Nathan Peiffer-Smadja, qu’il a comparé au directeur du camp d’Auschwitz

Bien d’autres ont été victimes. Ces trois personnes sont sur la liste des « gens à juger et à guillotiner » de France Soir.
Il est à noter que dans son entreprise pour trouver et publier l’identité des personnes en ligne (il s’agit de doxxing, puni depuis peu par 3 ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amendes suite à l’affaire Samuel Paty), il est aidé de plusieurs personnes…dont un membre du collectif citoyen de France Soir !
En effet, Jean-Yves Capo ne se cache pas de ce fait…
Et il est bien connu pour avoir « doxxé » (le plus souvent en se trompant) de nombreuses personnes. (Note : le nom complet de la personne mentionnée ci-dessous a été donné par la suite, et son employeur a été contacté).
Son grand camarade de jeu sur le doxxing est « Pimprenelle de Marseille », régulièrement invité à l’IHU…avec visite guidée d’Eric Chabrière !
Après une suspension du premier compte de Pimprenelle, Eric Chabrière a encouragé à suivre son nouveau compte. Celui-ci, en plus du doxxing, s’était félicité le 14 juillet de l’incendie de centres de vaccination en Martinique. Le 7 août, Eric Chabrière encourage à le suivre…
Pimprenelle et Jean-Yves Capo se connaissent, et apprécient coopérer pour doxer.
On peut donc voir une coalition « France Soir – IHU » pour dévoiler l’identité de leurs opposants sur internet, malgré le fait qu’ils soient au courant des menaces reçues par les personnes citées…
La recherche d’un incident ?
Les actions de France Soir et de l’IHU correspondent à la définition du terrorisme stochastique. Cette forme de terrorisme a été récemment mise en avant lors de deux cas : l’affaire Samuel Paty, qui finit en meurtre ; et l’affaire de l’invasion du Capitole.
Le terrorisme stochastique désigne « l’utilisation d’outils de communication de masse afin d’inciter de manière aléatoire des acteurs à commettre des actes violents ou terroristes qui sont statistiquement prévisibles, mais individuellement imprévisibles. ». C’est-à-dire, utiliser des moyens de communication de masse (blogs, réseaux sociaux) pour « exciter » les foules, jusqu’à ce qu’une personne « dérangée » commette l’irréparable.
Le terrorisme stochastique se déroule en plusieurs étapes :
Un personnage public ayant accès aux médias ou à un tribune diabolise une personne ou un groupe :
Nous avons pu voir que c’est ce qu’ont fait Didier Raoult, Eric Chabrière et Xavier Azalbert via les vidéos Youtube de l’IHU, France Soir et Twitter.
- À force de répéter cette diabolisation, la personne ou le groupe ciblés sont progressivement déshumanisés, dépeints comme odieux et dangereux, suscitant une combinaison hautement inflammable de peur et de dégoût moral.
Toute personne parlant de vaccination sur twitter, ou critiquant le « protocole Raoult » se fait immédiatement traiter de corrompu, d’assassin. Eric Chabrière compare ses « opposants » à des dictateurs sanguinaires, France Soir aux nazis…
- On remarque une multiplication d’images et de métaphores violentes, des blagues sur la violence, des références à des « purges » contre des groupes honnis, l’utilisation d’un vocabulaire religieux et moral, une rhétorique qui s’arrête à l’orée d’un appel aux armes explicite.
Les messages parlant de torture, d’exécution semblent naturels, banals.
Les tribunes de France Soir, violentes, n’hésitent pas à envisager une « justice d’exception » pour les personnes qu’elles jugent « coupables ».
- Et, lorsque éclate enfin la violence, la figure publique qui a incité à la violence s’empresse de la condamner, prétendant que personne ne pouvait prévoir la ‘tragédie’».
Pour le moment, il n’y a eu « que » des dégradations matérielles (Tags, incendies de centres de vaccination) et des menaces (de mort parfois) sans passage à l’acte. Jusqu’à quand ?
Des lecteurs et followers encouragés à ne pas croire les autres sources
France Soir encourage à ne lire que des sources liées à l’IHU. Dans une tribune publiée le 22 août 2021, intitulée « Ami(e)s vacciné(e)s prenez garde », on peut lire ceci :
Il s’agit encore une fois d’entretenir la paranoïa : tout le monde ment, sauf l’IHU, ses proches et France Soir.
Les lecteurs et assidus de l’IHU sont donc enfermés dans un monde où l’on veut les tuer en ne les soignant pas et en leur injectant un vaccin toxique, les tracer, où leurs vies et leurs libertés sont en jeu. Parallèlement à cela on leur désigne des boucs émissaires, complètement diabolisés, et on leur donne les moyens de les trouver et les atteindre physiquement.
On voit déjà une banalisation des discours violents : les gens ne sont pas choqués à l’idée de guillotiner, ils parlent joyeusement de Nuremberg 2, d’exécution, n’hésitent pas à envoyer des lettres de menaces de mort, des balles dans des enveloppes. Lutter contre ceux désignés à la vindicte, c’est « faire le bien », c’est « être un résistant », lutter pour une cause juste. Les principaux acteurs se défendent bien évidemment de tout appel à la violence, et expliquent qu’ils sont les victimes. Certes il y a eu des insultes, mais il n’y a pas eu cette mécanique de diabolisation et de mise à disposition sur réseaux sociaux des données personnelles des « opposants ».
Une mise à disposition dont on ne voit pas vraiment l’intérêt, mis à part nuire et permettre à des personnes mal intentionnées de passer à l’acte. Combien de temps avant qu’un drame n’arrive, et que l’on passe à la phase 4, où tout le monde dit qu’on ne pouvait prévoir cette tragédie ? A l’heure où on honore la mémoire de Samuel Paty, il est effrayant de voir une telle dynamique, semblable à celle ayant mené à son meurtre, se mettre en place.
Plusieurs plaintes ont été déposées suite à ces menaces. Certaines ont été classées suite à impossibilité d’identifier les auteurs, d’autres suivent leur cours.
Une question au gouvernement a été posée par le sénateur Bernard Jomier, concernant le harcèlement des porteurs de la parole scientifique, faisant suite à une pétition. Le délai légal de réponse est aujourd’hui dépassé, et il n’y a eu aucune réponse.
https://www.senat.fr/questions/base/2021/qSEQ210623282.html
Suite à la publication de la tribune de France Soir, une tribune a été publiée dénonçant les menaces.
Une conférence de presse “Halte à la haine” aura lieu le 7 septembre à ce sujet :
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